(Extraits du discours prononcé le 6 juin 2014, lors du colloque donné pour les 10 ans de la création de GEMME, à la Cour de cassation. Publié aux Éditions l’Harmattan in « La médiation, un chemin de paix pour la Justice en Europe – GEMME, 10 ans déjà… »)
La proclamation à l’excès des droits de l’homme a fait naître en chacun l’esprit individualiste. L’austérité d’une éducation fondée sur le devoir a cédé la place à quelque chose de bien plus excitant : la liberté individuelle. Si l’individu a des droits sans connaître les devoirs qui en sont la contrepartie, on comprend, dès lors, le phénomène de la judiciarisation des conflits. Et il faut bien reconnaître l’incapacité de nos gouvernants à lutter contre l’engorgement de la justice. Dans certains pays européens, l’allongement des procédures est tel qu’il peut parfois être assimilé à un déni de justice.
Au-delà de l’engorgement des tribunaux, la qualité de la réponse judiciaire est aussi à repenser : justice parfois désuète, tournée vers le passé, occupée à rechercher qui a tort et qui a raison, qui a commis la faute, bref, à faire ce qui pourrait être considéré comme l’autopsie d’un cadavre, résultat des affrontements meurtriers qui se déroulent dans les enceintes judiciaires.
La Justice traverse une crise : procès longs et coûteux, décisions parfois inappropriées ou injustes, trop souvent, incomprises ou difficilement exécutées. Le juge, animé de l’esprit de justice, ne peut se satisfaire de cet état des lieux.
Combien d’affaires épineuses où le juge, en excellent juriste, utilise les règles de procédure pour « botter en touche » !… Et voici l’irrecevabilité de la demande remplaçant le jugement au fond tant attendu ! Pourtant, le professionnel du droit est fier d’avoir trouvé la pirouette juridique qui lui permet de se tirer élégamment d’un cas délicat et d’« évacuer » le fond de l’affaire. Il s’en sort avec art.
Mais la Justice, dans tout cela, où est-elle ? Le juge n’est-il là que pour traiter des dossiers, sans prendre en compte les situations humaines ? Lorsque le « mécanicien du droit » a remplacé l’humaniste, peut-on encore parler de « Justice » ?
Les États doivent trouver des solutions qui tiennent compte de la mouvance des conflits sur un fond de mondialisation et d’engorgement des tribunaux. Les sociétés ont changé, les peuples ont changé, les relations ont changé, les différends ont changé. Les réponses doivent donc être adaptées à ces changements.