La médiation

« Pour imposer la médiation… il faut triompher de la justice morte. »
Guy Canivet

La médiation, parce qu’elle s’adresse à l’être humain avec le respect qui lui est dû, est un langage universel qui dépasse les frontières, outrepasse les systèmes judiciaires, surpasse les différences dues à la culture et à l’histoire.

Lorsque « l’autre » n’est plus l’étranger qui fait peur parce qu’il est différent, qu’il faut supprimer parce qu’il pense autrement, qu’il faut exclure parce qu’on ne le comprend pas, alors, le conflit devient sacré : Il est révélateur d’un déséquilibre dans l’échange, d’un désaccord dans la relation, dans ce lien invisible qui relie l’homme, à travers ses proches, à l’univers tout entier.

La médiation est le creuset où nos différences, acceptées et comprises, se métamorphosent en richesse d’expérience de vie. L’alchimie a lieu qui permet de transmuter la discorde en union, le déséquilibre en harmonie, l’adversaire en partenaire.

Ce langage universel de respect et d’écoute de l’autre est nouveau en justice ; il a pour corollaire humilité, tact et délicatesse. Il aspire à restaurer l’harmonie dans la relation, à rétablir la dignité, à renouer le lien. Dans tous les pays du monde, au delà de la langue, du sexe, de la race, de la religion, de la nationalité, de l’âge, des systèmes de valeurs, du clivage des générations, ce langage du cœur est compris. C’est celui de la médiation ; c’est un langage universel de règlement des conflits.

Mais pour qu’elle puisse s’implanter, comme le dit si bien Guy Canivet, « il faut triompher de la justice morte » : vaste programme qu’un juge ne peut faire seul. C’est dans le rassemblement de ceux qui partagent cette même conviction pour créer une dynamique collective que la victoire sera au rendez-vous.

Lorsque, en 2003, j’ai voulu créer le Groupement Européen des Magistrats pour la Médiation, (Gemme), j’ai rencontré Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation. Il m’a parlé de créer des liens, des lieux de rencontre, de partage d’expérience, d’élaboration de savoir-faire, de création d’une doctrine et d’une éthique, de mobiliser les instances de formation des juges.

Ainsi est né, sous sa présidence, le Groupement européen des magistrats pour la médiation (Gemme), structuré en sections nationales, qui a vocation à s’implanter dans tous les pays d’Europe. Le Gemme comprend aujourd’hui 350 magistrats, répartis dans 20 pays de l’Union Européenne. On en attend 500 dans les années à venir.

À l’heure de la mondialisation, on comprend que ce rassemblement ne peut être ni régional, ni national, ni même européen : il doit être mondial.
Relayé par la politique européenne de mise en œuvre de la directive sur la médiation, du 21 mai 2008, le mouvement prend un essor mondial, cristallisé par les assises internationales de la Médiation judiciaire qui se sont tenues à Paris au mois d’octobre 2009, pérennisé par la création de la Conférence internationale de la médiation pour la justice (CIMJ). Les cinq continents étaient réunis et 350 personnalités du monde entier représentaient plus de trente pays.

Désormais, le mouvement est lancé, il est considérable. Avec la médiation, l’humain a fait son entrée dans la justice.

Les siècles passés ont déclaré les droits de l’homme. À l’aube du troisième millénaire, on assiste à la mise en place de leur avènement.

Béatrice Brenneur