Extraits de conférences La médiation judiciaire est née d’une pratique prétorienne. Dès 1970, principalement en matière de conflits du travail, puis en matière familiale, des magistrats ont réalisé que la stricte application de la règle de droit ne leur permettait pas toujours de rendre une décision humainement satisfaisante. Parfois, les décisions rendues présentaient des difficultés d’exécution car elles étaient mal acceptées, ou interdisaient toute reprise de relations futures ce qui pouvait avoir des conséquences particulièrement graves : par exemple, lorsque les parties étaient toujours liées par un contrat de travail, ou qu’une condamnation entraînait inévitablement la fermeture de l’entreprise. Ces magistrats ont alors ordonné des médiations dans le cadre de leur mission générale de concilier les parties. Cette pratique a été consacrée par le législateur en 1995. La France est l’un des premiers pays européens à s’être doté d’une législation sur la médiation avec la loi du 8 février 1995 et son décret d’application du 22 juillet 1996, devenu les articles 131-1 et suivants du Code de procédure…
Les instances de l’Union européenne souhaitaient promouvoir la médiation. Son avenir devait passer par l’Europe.Il fallait donc créer une association pour rassembler les magistrats européens et créer une culture de médiation : au-delà de la diversité des systèmes judiciaires, les juges pourraient ensemble devenir des acteurs conscients de l’avenir de la Justice, susciter un esprit européen, s’affranchir des idées reçues et secouer les conformismes dominants.Cette convergence nécessaire pour l’établissement d’une justice européenne moderne, plus équitable, plus humaine, cherchant à pacifier le conflit et à maintenir les relations pour mieux repartir dans l’avenir devait permettre de déboucher sur un réseau de magistrats ouverts à une réforme et à un partenariat entre les membres des professions concernées par la médiation : juges, avocats, médiateurs, greffiers, notaires et huissiers.C’est ainsi qu’est né le groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME).À la tête de ce rassemblement de juges, il fallait un magistrat dont l’autorité ne pouvait pas être mise en question, un magistrat ouvert vers l’avenir, cherchant à moderniser la justice, un magistrat qui pourrait…
I – L’avènement de la médiation en France Certains juges n’étaient pas toujours satisfaits du service rendu par la justice. Ces juges aimaient leur métier et ils étaient en réaction devant l’injustice. Ils s’interrogeaient sur le côté répétitif de l’acte de juger et souhaitaient repenser leur rôle au sein de la Justice du XXIe siècle. Mais nous savons tous que ceux qui veulent changer le système dérangent et donc s’exposent.Un juge ne peut à lui seul vaincre les résistances et les intérêts corporatistes, convaincre les acteurs du monde judiciaire et bousculer la hiérarchie. Pour se tourner vers la médiation, il doit trouver des appuis. Or, en 1996, malgré la loi qui fait de la France la pionnière de la législation sur la médiation en Europe, il faut bien reconnaître que ni le législateur ni les instances gouvernementales n’avaient mis en place une véritable politique de promotion de la médiation et que les responsables judiciaires se limitaient, généralement, à des discours officiels.Quand nous avons installé,…
(Extraits du discours prononcé le 6 juin 2014, lors du colloque donné pour les 10 ans de la création de GEMME, à la Cour de cassation. Publié aux Éditions l’Harmattan in « La médiation, un chemin de paix pour la Justice en Europe – GEMME, 10 ans déjà… ») La chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble a fait une expérience de médiation entre 1996 et 2005. Ceux qui jugent les conflits du travail font un constat : les responsables hiérarchiques et les subordonnés sont souvent en conflit car ils ne savent pas s’écouter. En 1998, on venait de découvrir la notion de « harcèlement moral » ; les salariés y recourraient facilement. Si certains cas étaient prouvés, la plupart ne reposaient que sur l’interprétation que la « victime » avait prêtée aux faits. Le responsable est celui qui répond. Mais pour répondre, il faut d’abord écouter. Le subordonné doit obéir à l’ordre reçu. Obéir, vient du mot latin « oboedire » qui veut dire « prêter l’oreille », « écouter ». Responsables et subordonnés doivent donc savoir s’écouter ce qu’ils…