Les instances de l’Union européenne souhaitaient promouvoir la médiation. Son avenir devait passer par l’Europe.
Il fallait donc créer une association pour rassembler les magistrats européens et créer une culture de médiation : au-delà de la diversité des systèmes judiciaires, les juges pourraient ensemble devenir des acteurs conscients de l’avenir de la Justice, susciter un esprit européen, s’affranchir des idées reçues et secouer les conformismes dominants.
Cette convergence nécessaire pour l’établissement d’une justice européenne moderne, plus équitable, plus humaine, cherchant à pacifier le conflit et à maintenir les relations pour mieux repartir dans l’avenir devait permettre de déboucher sur un réseau de magistrats ouverts à une réforme et à un partenariat entre les membres des professions concernées par la médiation : juges, avocats, médiateurs, greffiers, notaires et huissiers.
C’est ainsi qu’est né le groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME).
À la tête de ce rassemblement de juges, il fallait un magistrat dont l’autorité ne pouvait pas être mise en question, un magistrat ouvert vers l’avenir, cherchant à moderniser la justice, un magistrat qui pourrait cautionner notre démarche. Un nom s’est tout de suite imposé : Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation française, dont le nom était déjà lié aux modes alternatifs de règlement des conflits qu’il avait souhaité mettre en place au sein de la cour d’appel de Paris. En octobre 2003, le premier président Canivet m’a reçue, avec Jacques Clavière-Schiele, président de chambre à la cour d‘appel de Paris qui avait aussi beaucoup œuvré pour la mise en place de la médiation à la cour d’appel de Paris et un collègue belge, Éric Battistoni. Il nous a tout de suite donné son appui et a accepté d’être le président fondateur de GEMME.
Le 19 décembre 2003, une trentaine de magistrats de l’Union européenne, venus d’Allemagne, de Belgique, d’Espagne, du Portugal, de France, d’Italie, composant l’assemblée constituante de GEMME, était réunie à la Cour de cassation et a élu son premier conseil d’administration. Le président était Guy Canivet, le vice-président, Ivan Verougstraete, président de la Cour de cassation belge, j’étais secrétaire générale, Jacques Clavière-Schiele, était secrétaire général adjoint et Jean-Luc Pierre, conseiller à la Cour d’appel de Grenoble, était le trésorier.
Gemme était avant tout une association à vocation européenne, composée de sections nationales, dont l’objet était d’harmoniser les pratiques de la médiation en Europe et dans chaque pays de l’Union européenne.
Par la suite, pour s’ouvrir à la Norvège et à la Suisse, Gemme a inclus les pays de l’Association européenne de Libre Échange (AELE).
L’essence de GEMME est résumée dans son logo. Il souligne l’intervention du tiers qui rassemble et unit, dans un geste d’empathie, tout en étant en retrait. Il est axé sur l’accord : les personnes se regardent, debout, sur un pied d’égalité ; les mains se joignent et dessinent le « M » de la médiation.
Le site Internet a été créé dans les deux langues européennes : le français et l’anglais. Chaque section met les informations spécifiques à son propre pays dans sa langue et désigne un responsable, comme webmaster, pour son site. L’ambition de GEMME est d’avoir un grand site européen.
Pour faire connaître la médiation, créer des liens et faire l’inventaire des bonnes pratiques, Gemme a organisé des colloques dans de nombreuses villes européennes : Grenoble, Paris, Rome, Lisbonne, Athènes, Valencia, Madrid, Genève, Barcelone, La Haye, Brno, Bucarest, Budapest, Sofia.
Les sections nationales de GEMME ont pris l’initiative de colloques et de sessions de formation au sein de leurs pays respectifs.
Gemme cherche à faire l’inventaire des bonnes pratiques. À cet effet, en 2008, un questionnaire a été mis au point et envoyé aux chefs des Cours suprêmes, par la voie du réseau des premiers présidents des Cours suprêmes.
Des groupes de travail ont été mis en place (médiation familiale internationale et formation à la médiation et à la conciliation).
Gemme a également publié de nombreux livres et guides pratiques sur la médiation, en France, en Roumanie, en Suisse, au Portugal, en Espagne, en Hongrie, en Italie et dans d’autres pays.
À l’heure de la mondialisation, on comprend que ce rassemblement de juges ne peut être ni régional, ni national, ni même européen : il doit être mondial.
C’est alors que le mouvement européen lancé par GEMME a pris un autre essor. À la suite des assises internationales de la médiation judiciaire qui se sont tenues à Paris, les 16 et 17 octobre 2009, à l’initiative de GEMME, trente-sept pays représentant les cinq continents se sont réunis et ont impulsé un mouvement mondial, concrétisé par la création d’une association : la Conférence internationale de la médiation pour la justice (CIMJ). La CIMJ est un formidable réseau international des acteurs de la médiation, mis en place pour apporter une réponse rapide dans les conflits transfrontaliers ou les enlèvements internationaux d’enfants. La CIMJ a créé une liste de médiateurs internationaux, consultable aisément (voir le site CIMJ.COM).
Interlocuteur auprès des institutions européennes, Gemme a aujourd’hui le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe.
Gemme comprend plus de 500 magistrats européens répartis dans 22 pays de l’Union européenne et de l’AELE qui œuvrent pour implanter une culture de la paix au sein de la justice du 3e millénaire. Les métiers de justice pourront alors rendre un meilleur service et les citoyens seront davantage acteurs de la résolution de leurs litiges.
L’œuvre de Gemme en ce domaine a déjà été déterminante. Observatoire privilégié pour la médiation, Gemme a fait l’inventaire des bonnes pratiques et donné des avis. Il reste à rendre obligatoire, dans tous les pays, la formation à la médiation (initiale et continue) tant dans les universités que dans les écoles d’avocats, de juges, de greffiers, d’huissiers et de notaires, pour que ces différentes professions acquièrent le réflexe de médiation. C’est par l’éducation que pourra naître une culture de pacification des conflits. Car pour reprendre l’exclamation du premier président Pierre Drai : « la Justice sans la Paix, est-ce encore la Justice ? »
Nous avons bâti nos sociétés sur les sables mouvants de la loi du plus fort qui a pour corollaire la destruction mutuelle. Nous sommes au pied du mur. Notre instinct de survie nous montre aujourd’hui qu’il est temps de nous ancrer sur le roc solide du respect et de l’écoute de l’autre. Allier paix et justice est l’ambition de Gemme.